samedi 8 mars 2008

Nostalgie sourire

(On a l’impression de voir beaucoup de sable. À gauche, le jeune homme Mervè et sa jeune femme Géhur sont assis tout près l’un de l’autre. Un miroir est à plat sur le sol, la glace face au ciel. Au fond, un peu à gauche, presque au centre, le peintre travaille sans arrêt à une toile cachée par des étoffes.)

Mervè — Gabriels, chantez!
Je veux, Géhur, que tu m’apportes le livre!
Ala-Alcala-Hah!
Mon ignorance s’immole à tes pieds.
Des baisers n’ont pas dilué mon épaisse gale.
C’est le silence seul qui comprendra le sens de mes paroles.
Aucun homme sur la terre ne comprendra ce que je dirai.
Je suis un marchand de silence. Le miel suffocant entre deux mots tragiques est mon œuvre.
Les hommes vivent entre deux mots. Les hommes vivent dans le silence.
Les grands explicateurs sont des morts enfants.
Tu iras chercher le livre quand tu comprendras que je le veux.

Géhur — Le sable chaud enivre, il détend mes membres dans le délire.
Mes mamelles sont des prunes roses qui ne tentent point les loups.
Mes mamelles sont des prunes mordues.
Regarde le miroir.

(Elle prend le miroir dans sa main droite et le montre à Mervè. Dans le miroir on voit deux mains argentées qui ondulent très lentement comme dans la fumée blanche.)

Mervè — Morsure! Morsure!
Incompréhensible discours!
Je parle à mon âme, et mon âme seule comprend alors que je ne comprends moi-même.
Déchiquètent avec les lances enflammées, les esclaves!
Je vois la caravane. Je vois la caravane. Je vois la caravane muette. La caravane muette. Muette. La caravane. La caravane; les caravanes. La cara-bul.
Jarre verte, langue drable, méditation olive, fesse femelle bleuide, serrure crémâtre.
Hâh-bâ-bâ-palâ-flâh!
Paradis! Cercle de paradis! Cercle ceinturé de vipères urinées!
Le Créateur me dit bonsoir, et je me dandine comme un serpent charmé et je rougis alors qu'il lève le marteau.
Trois fois maudits les ventres trop chauds! Les ventres qui nous perdent!
Les ventres d'autrui qui nous posent des problèmes!
J'ai joué avec ton cheveu, avec la mèche blonde de la chevelure. Tu te souviens de ma lèvre gercée?
Je t'ai transportée comme un gorille dans les glaces de ma pensée.
Insupportable chaleur! Sable accablant!
Nia-Nia-Cœur!
Un ruisselet de liquide humain réfléchi sur la côte de l'Enfer terrestre!
Truie. Truie. Vingt truies. Vingt truies en chœur qui alourdissent nos fatigues.
Lourdeur des chaleurs assommantes!

Géhur — Entre ma hanche et mon sein se trouve une danse.
Se trouve une couleur.
Entre mes genoux se trouve un arc-en-ciel.
Il va se métamorphoser en doigt ensanglanté ou en épervier.
Sur l'onde de mes cheveux bouclés se trouve une chanson qui marmottaient dans leurs poumons les grands-pères farouchement vagabonds.
Les grands-pères existent à l'horizon franchi, l'odeur de notre passé est sur nous comme un vaccin.
Les actes anciens sont des lézards qui ont rampé jusqu'à nous.


Le peintre — Agonie des perdrix. Agonie du bruissement d'ailes.
J'écoute.
Les morts.
Les morts nostalgiques qui coulent dans les fleuves desséchés désertés, comme des murs de plâtre.
Cette idée m'illumine. Je brûle comme du phosphore hagard.
Les notes de violoncelle ruissellent dans mes cheveux mats.
J'ai brandi mon pinceau avec désinvolture et il s'est humecté de soleil doré.
Hier la moitié de la lune est passée sur ma toile. L'autre moitié s'engraisse depuis pour combler le vide.
Mon cœur est parti en voyage dans le violet des bleuets sauvages qui sont cachés dans le désert, mon cœur s'émeut dans la couleur, dans la pincée de couleur, mon cœur pleure.
Mon cœur a entrepris une œuvre trop vaste.
Je m'écroule sous mes désirs, j'agonise sous ma fontaine de brume lumineuse.
Douces mains, douces mains féminines sur ma joue. Je pleure de ne pas pouvoir.
Amèrement désespéré.
Le baume des lilas spirituels sur mes lèvres: continent conçu dans un cerveau d'homme téméraire.
L'assaut reviendra, l'assaut des vagues d'idéal, plus salées que la mer.

Mervè — Le peintre s'exprime dans le couchant rose.

Géhur — À quoi travaille le peintre?

Mervè — Le peintre travaille à l'œuvre de sa vie.
Ma jeune femme, nuit et jour sans manger je l'ai vu, depuis que mes yeux regardent, travailler sur sa toile.
Il ne montre pas sa toile: il attend de la finir.

(Le peintre ouvre son œil droit tout grand avec sa main gauche. Avec son pinceau, tenu dans sa main droite, il prend son œil, comme de la peinture sur une palette, et il continue à peindre.)
(À droite paraît le monstre. C'est un homme qui a, greffé dans le dos, un torse de femme très long et très mou; les bras de la femme s'agitent continuellement comme des bras de danseuse égyptienne.)

Le monstre — Nos âmes sont rongées palabrement. Toujours la même lèpre d'espérance.
Anya-Touya-Sahia!
L'offrande durcit dans l'espace entre les pieds du Créateur et ma tête.
Spirituellement j'ai un museau de rongeur. Et j'en souffre et je grognote éternellement les pensées des autres en lambeaux.
J'ai un corps inutile, un corps de femme, qui me fige comme une sauce glacée, qui me fige de glace dans l'éternité.
Les corps des colonnes de marbre penchées vers le vent, penchées vers la source.
Je crois. Je suis venu apporter un message de foi.
Je suis un prophète sans barbe. Je suis un prophète qui se tord sur sa pensée comme un serpent.
Je suis venu avec le vent, avec mes têtes. Je suis venu dans le vent, dans le vent qui me rend mélancolique, qui me rend fané, le vent qui souffle comme une âme dans la tempête.
Le cœur, sorti de l'eau tout ruisselant, emprisonné à l'improviste dans mon corps. Cœur prisonnier! Cœur perdu!
J'ai joué du luth sous mon mollet.
J'ai pris les anges par les cheveux, et j'ai tiré, et j'ai tiré, et je me suis éveillé. En sueur.
Les cathédrales fondent dans mes paupières et deviennent du jus de citron, de la cire jaune étendue.
Mes gerbes frémissantes font la glissade sur le croissant.

(Il se couche non loin du peintre et reste là sans bouger, face contre terre.)
(Avec son pinceau le peintre prend son propre menton comme de la peinture et continue à peindre.)


Mervè — Au bout des épitaphes vertes où les humains viennent paître, quand les terres de sable s'assèchent, il flotte des sourires en vapeur au fond d'un gouffre, il coule obscurément un filet d'étincelle entre deux crêtes d'oubli, j'ai cru distinguer un phare humain très loin, très loin dans la plaine de sable couverte de soleil. J'ai cru distinguer plus petit que ma ride un poteau d'espoir enfoui dans le recul.
Ma foi j'ai mis. Ma foi en nage. Je parlerai de la lumière comme un bâton de phosphore greffé au flanc de la lune, je parlerai de la lumière comme un torrent égaré au centre de la terre, je parlerai du cœur des hommes porté dans le ciel par des mains muettes comme une boule de cristal, comme une feuille de papier transparente avec sa lueur au centre, je parlerai de sa lumière, jusqu'aux ténèbres je respirerai avec halètement sa lumière en qui j'ai mis ma foi, et je ne cesserai pas quand j'aurai lassé les têtes chauves.

(Le peintre se lève brusquement.)

Le peintre — Ma toile mon sang.
Il faut que je la montre!
Regarde, Géhur!
Le chef-d'œuvre des bras qui se sont crus des Dieux, le chef-d'œuvre peint avec les héroïsmes des hommes, dessiné sur des mémoires d'Asie, sculpté dans le sang, sculpté dans la chair.
Sang! tiré de la boue par des bras extraordinaires! extrait comme l'argent! sang de toile!

(Avec tendresse, avec hésitation, il découvre la toile et la montre à Géhur. La toile est vide, il n'y a rien de peint dessus.)

Elle est là, toute!
La douceur me transit, la pudeur des mains qui n'osent pas toucher, la pudeur inscrite!
Le soleil s'est levé sur moi.

(Il presse la toile contre sa joue et pleure de joie.)

Géhur — Elle est vide.

Le peintre — Lis, lis l'intention!
Songes aux corps d'éléphants, vous m'avez pris avec vous comme un petit frère et je suis allé plus loin que la lune sur un rayon de lumière livide.
Les bagnards, piochant sur les perles, sont restés en bas. Et moi, j'ai contemplé face à face. J'ai contemplé. Contemplé. Le soleil se couchait. Les bras de nymphes gazeux ondulaient et les étoiles. Et la gourde et son glouglou. Les cheveux d'ange sur le dos des poissons. Le riz blanchissait avec ma petite femme et l'arc-en-ciel de senteurs mugissait sur mon bras cuivré. Politesse! Retour des âges casqués! Ciel lointain et Terre comme un motton de boue. Les éclats de rire chantaient. Bleuissaient. Les hennissements sortaient des nombrils salés comme un vilebrequin.
O sondes!
Mada m'a dit: Da, ô prince sans royaumes qui gîtes dans les rosées d'amour!
Les femmes obèses prieront pour moi quand elles auront été émues par ma tâche.
J'ai fait un rêve couché sur une tranche du couchant. J'ai vu le monde plus beau que des yeux verts.
J'ai mis mon bras au travers du monde. J'ai mis mon bras trop court.
J'ai mesuré le monde avec mon bras trop court. Le monde trop long, le monde trop vaste.
J'ai mis mon cœur vert par-dessus mon cœur rouge. Bah! la patience est trop longue et le bras est trop court!
J'ai travaillé sur l'éternel chef-d'œuvre. J'ai travaillé sur le monde comme un chirurgien. Avec mon nez, avec mes joues. Les roses sont descendues dans mes veines. La neige d'espoir a mouillé mes seins mâles. Mon torse s'est graissé de tendresse de femme.
O mire!
Les eaux des fleuves et des lacs ont roulé sur mon corps, ont dessiné l'extase de ma bouche. Le poète frêle est venu avec ses bras d'enfant. Mon dos s'est courbé afin que je ramasse les troncs d'arbres comme un glaneur jaloux. Mon cœur a éclaté en fibres sur le monde sans riposte. J'étais devenu missionnaire lucide. Je faisais la cour aux joncs et je buvais leur or pâli.
O moi! O moi! servile à mesurer le monde!
Devenu acrobate habile jonglant sur les soupirs de rêve, je devins somnambule pourchassant les cornes de daims.
Le soleil entre mes mâchoires gloutonnes. Mes mâchoires serrées sur le bonheur d'aimer.
Doucement doucement le désir a éclos dans ma poitrine comme un peuplier.
Mon bras travaillant dans l'amour de la vie. Mon bras travaillant dans les muscles de la vie. J'ai peint avec moi-même. Devenu matière moi seul je me suis peint.
Univers assimilé avec acharnement à mes veines, tu as ouvert tes ailes en moi écorchant mes épaules, tu t'es offert à moi. Univers trop vaste.
Voici ce que j'ai fait de toi, Géhur!
Ceci est à toi! Ceci est à moi!
Ceci est moi transfiguré par l'univers.
Tu l'as vu, Géhur.

(Ses yeux se mouillent de larmes. Il prend la toile au bout de ses bras et la contemple ainsi sans bouger en extase, la figure transfigurée.)

Géhur — Oh! Le temps du livre est venu.

(Elle sort par la droite, au fond, et revient avec un livre de couverture violette qu'elle tient ouvert.)
(Géhur dépose le livre ouvert par terre et s'assoit devant.)

Mervè — Lis le livre.

(Du corps de Géhur sort une voix d'homme que nous ne connaissons pas.)

La voix — Opal-Hung — — — serri-kamuzi-lel!

(À partir de ce moment, Mervè, qui est debout derrière Géhur, commence à remuer les bras malaisément par en avant au ralenti comme s'il avait le torse emprisonné dans une masse de tire gluante et comme s'il cherchait à s'en libérer. En même temps on commence à percevoir la formation d'une pyramide de lumière qui est de couleur cannelle et qui a pour base un carré et pour sommet le livre. Mervè et Géhur sont pris dans cette lumière spectrale. Dès les premiers rayons, Géhur pousse un cri de chien blessé et se met à s'agiter furieusement comme une femme qui aurait toutes les chairs brûlées. Mervè s'agite toujours au ralenti et toujours avec plus de malaise. Soudain, d'une ruée terrible, Géhur s'échappe de la lumière. Elle se roule par terre péniblement pendant un instant. On s'aperçoit tout à coup que Mervè a un poignard dans sa main droite; en même temps, dans la lumière, se forme une silhouette imprécise comme dans un rêve: tout ce qu'on voit, c'est que cet être est vêtu comme d'un coupe-vent rouge. Géhur s'élance d'un bond vers la lumière. Seuls ses bras pénètrent la lumière et elle reste sans bouger ainsi, ses bras immobilisés dans la lumière comme dans du ciment. Mervè et la silhouette s'agitent lentement, l'un en face de l'autre. Malgré lui, comme un homme hypnotisé qui fait des efforts pour réagir, Mervè lève son poignard et l'enfonce dans le cœur de la silhouette qui tombe; et le poignard disparaît de la main de Mervè. La silhouette par terre devient de la fumée rouge qui s'élève dans un tourbillon lent. Dans ce tourbillon apparaît un poignard, puis une main se forme autour du poignard et une espèce de corps imprécis s'ajoute. Ce corps s'approche de Mervè, toujours dans le même rythme lent et calfeutré, et plante son poignard dans le cœur de Mervè. Le poignard se dilue dans la plaie et il se forme un cercle rouge assez épais et raboteux sur la poitrine de Mervè. La couleur cannelle se dissout dans l'atmosphère. Le corps devient instantanément une énorme bouteille verte très précise avec un bouchon. Du même coup le bouchon vole dans les airs comme un boulet de canon, et la bouteille devient comme du papier aspiré par une pompe très puissante et disparaît dans les airs en éclair, en commençant par le fond. Mervè tombe par terre, mort. Géhur ne bouge pas.)
(Le peintre, ignorant de ce qui s'est passé, soudé à sa toile, dépose la toile et, se prenant la tête à deux mains, se met à sangloter d'émotion. Pendant qu'il parle on entend des notes basses de violoncelle.)

Le peintre — Cet homme est mort comme la mort.
La mort avec des orteils comme des clefs.
Les ténèbres ont survécu à la vie.
Dans les ténèbres une fleur grave qui s'allume fauvement, fauvement un bras d'où s'égouttent des bouchées brûlantes de vie.
Une gouttière d'aluminium, émouvante caresse des citadins asséchés, des citadins enlisés.
Lèvres d'argent brillantes comme tes yeux. Ce sont les ongles luisants de la momie ensevelie qui déchirent la nuit.
Homme. Pacha. Homme qui marche comme volent les Anges.
Volcan supporté par des jambes d'homme.
Un cri dans l'abîme. L'homme de génie a suicidé son corps.

(Le monstre prend la toile sur sa main gauche comme un garçon de café. Sur la toile apparaissent comme venant de la brume deux mains d'argent ouvertes vers le ciel. Dans sa position de garçon de café le monstre transporte les mains à côté de Mervè. Il fait glisser les mains sur la poitrine de Mervè. Les mains s'enlisent lentement dans la poitrine de Mervè. Elles disparaissent dans la poitrine.)
(Le monstre prend dans ses bras le peintre qui sanglote et se met debout sur la toile. Tous deux lèvent de terre comme sur un tapis magique. Le monstre et le peintre sur la toile disparaissent dans le fond.)

Géhur — Je crois que je vais mourir.

(Elle meurt.)
(Les lumières deviennent plus brillantes puis plus sombres successivement à plusieurs reprises comme si nous passions rapidement de la nuit au jour et du jour à la nuit. Puis on voit venir un aveugle qui porte sur son dos un sac dont ne sortent que deux jambes de femme. L'aveugle sort de sa poche un masque qu'il met sur sa figure. Ce masque ressemble à la figure de Mervè. L'aveugle détache sa chemise et découvre sa poitrine qui est comme une boule de verre sur laquelle est l'image d'un visage de femme qui ressemble au visage de Géhur. L'aveugle se frappe la poitrine trois fois comme un repentant, puis il enlève son masque et il passe.)
(Il s'écoule du temps, peut-être des mois.)
(Géhur est par terre sur le dos. Dans le dos il lui pousse des pattes d'araignées énormes. Les pattes s'agitent; morte, Géhur est secouée sur ces pattes. Dans le fond apparaît le monstre triplé. Ils sont trois exactement comme lui, ou plutôt c'est le monstre reproduit trois fois. Les trois sont chacun sur une toile, la toile du peintre, et ont chacun un sabre dans la main droite. Ils planent en formation régulière, tous les trois de front en ligne droite. Ils atterrissent et sans descendre de leur toile ils coupent les pattes d'araignée avec leur sabre. Géhur retombe par terre. Les trois copies du monstre repartent dans l'espace vers le fond. Le corps inerte de Géhur se soulève dans l'espace et s'élève dans leur sillon comme une pelure d'orange prise dans le remous d'un yacht. Les copies du monstre et Géhur s'enfoncent dans le fond qui devient trouble et tumultueux. Le fond devient comme un tourbillon épais de sable rouge brique, comme un morceau de foie ensanglanté tout grouillant, comme une plaie vue au microscope. Tout cela grouille, s'agite ténébreusement. Puis la forme d'un cadre de peinture s'y inscrit et s'y précise peu à peu. Cela devient finalement une gigantesque peinture encadrée qui est suspendue sur un rideau rouge. La peinture consiste en deux gros yeux rouges qui se chevauchent presque.)
(Le cadavre de Mervè bondit dans les airs comme une marionnette déclenchée par un ressort. Il roule sur lui-même les bras en croix. Il fait un plongeon dans les airs et tombe sur la tête, s'y maintenant droit comme un piquet. Puis il saute par en avant vers le fond les bras en croix et entre en collision avec la peinture. Il mord l'œil gauche de toute la force de ses dents, demeurant collé à la peinture comme un timbre. De l'œil gauche sort un bras mauve d'animal qui enlace le corps de Mervè et le retourne complètement. Le bras mauve maintient Mervè la tête en bas. Du cadavre de Mervè sort une voix de microphone.)

La voix de microphone — Moi! Moi! Moi! Le livre!
Qui chante,
qui chante.
L'amour.


Rideau

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