dimanche 16 mars 2008

La prière pour l'indulgence

(Grisha est couché au travers d'un point d'interrogation horizontal ayant le point à gauche. Au fond, ce sont tous les rouages du mécanisme d'un cadran gigantesque qui marchent sans arrêt.)

Grisha Voix de terre! Console la terre!
Rideau muet, parle.
Le perroquet ne s'est pas tu et la lèvre moulue a épousé la témérité.
Hommes, hommes, soyez généreux. Ayez pitié de ceux qui labourent la vie.
Les cerceaux s'entrecroisent, la larme éclôt dans la stupeur.
Portière jaune, l'élan a passé par toi.
Les cendriers opalins se mettent à danser.
Les aiguilles les carrosseries.
Indulgence, a dit le sage.
Indulgence, a dit le genou fléchi.
Platon est mort et la détresse a mangé son nez.
Pitié! Pitié!

(Deux moutons, venant d'un côté opposé, entrent en bondissant. Dans le fond, une espèce de danseur habillé en maillot jaune et brun entre en dansant, ses deux pieds formant une ligne droite.)

L'armure de poils ne suffit pas.
Qui viole apaise et détruit.
Le respect est le chant du rossignol.
Je connus un homme qui marchait sans cesse sur les wasserfalls et qui mourut d'assèchement dans les chemins de sable.
C'est effroyable mais vous ne l'avez pas compris.
Une rose avait pleuré et des hommes avaient connu la tempête dans leur poitrine.
Un cor avait appelé Roland mais les pointes de lances en rangs serrés figuraient le désert.

(D'une seule poignée, Grisha a arraché la peau du ventre du danseur et tandis qu'il parle il lui sort les tripes du corps une à une avec une très grande application. Quand Grisha aura fini, le danseur disparaîtra.)

Les moujiks ne veulent pas comprendre quand je leur dis que les dieux vivaient dans l'air et expiraient dans la tête. Les moujiks, ce sont les bêtes. Les bêtes, ce sont les yeux effroyables qui consument les cœurs.
Les charbons effroyables qui brûlent atrocement dans les figures.
Les vignes se perdent car vous avez oublié la manière d'y boire.
Immenses rues, immenses rues, la sécheresse a fait de vous des condamnés.

(Entre une femme dans une brouette qui roule sans que personne ne la pousse. Cette femme a la tête qui lui pend au-dessus de la roue de la brouette. La brouette traverse la scène et sort.)

Ainsi va la vie.
Si vous oubliez d'y puiser les parfums, vos os réclameront et la boule intérieure sera vierge.
Touchez, il faut toucher car les blocs impeccables s'enlisent d'intégrité.
Totalement dénué. C'est clair. Chère chair.
Je n'ai pas cru qu'un corbeau noir pouvait être un signe.
Je t'ai dit: Peuh! Je ne me le pardonnerai jamais.
Un cygne meurt en chantant, un œil meurt en gémissant.

(Des béquilles évoluent seules en rond tragiquement au milieu de la scène.)

La terre est morte! La terre est morte! Ses banderoles se cambrent dans la vague de vent.
Des crêpes violets pendent accrochés aux clous des rayons immatériels.
La flottaison s'exerce à l'état général.
Le monde mort flotte.
Voyez glisser les cristaux sur l'échine de l'aurore boréale.
Les poulies deviennent d'une puissance suggestive inoubliable dans ce fouillis.
Je calculerai la montre d'or car les pins déclassés auront rejoint la mer dans l'unité confuse.
Je prie car j'ai compris.
J'ai suivi la route sous les ormes et la chaleur liquide et la barre d'or a surpris mon flanc.
L'enfantement le rugissement.

(Un livre rouge gigantesque descend lentement jusqu'à terre et s'y pose, perpendiculairement au plancher.)

La décence scrute.
Il est mort.
Aboie pourquoi? Mort tue.
Réclamez l'avoine et les cierges auront pour vous la saveur d'une main aux ongles déchirés.
Pensez et repensez, la torpeur coule du nuage gonflé d'ivraie.
Le signe tonitrue, l'anse culbute.
Joyaux heureux.

(Sans changer de position le livre s'ouvre et de ses pages tombent des boules lumineuses qui sont des fragments de fusée. Le livre demeure entrouvert.)

Les curés chauves ne diront pas leur messe quand les aiguilles s'entêteront.
Les œillets complètent les galets quand on les mêle.
Patrie découpée en virgules, il est vrai.
Moi, j'ai trouvé mon cercueil.

(Il entre dans le livre qui se referme sur lui et remonte vers le plafond jusqu'à disparaître.)
(Les béquilles se transforment en parapluies et il pleut des yeux.)



Rideau

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