jeudi 27 mars 2008

Le soldat Claude

(Un soldat est tout seul sur une butte de terre au milieu d'un champ désert. C'est le soldat Claude. Il fait nuit.)

Le soldat Claude — Sur les carrefours constellaires au milieu de la nuit qui fait pch-ch se tient un homme, inébranlable.
Invité à turlupiner les fesses rosâtres des filles bourgeoises, il a répondu avec un front uni et boucanier.
Cet homme s'est dit: Puisque je marche dans la boue vierge alors que les bourgeois protègent leur cul contre la lassitude, puisque je fais des pas où il n'y a jamais eu de pas, puisque je suis un brise-glace vociférant dans le gel, je ne suis pas semblable aux autres, je me classe derechef parmi les êtres exceptionnels.
Sur les croix constellaires qui sont en mica, qui brillent par plaques comme du mica, qui cymbalisent le mica, l'homme secoue le débarquement de ses souvenirs à coup de testicules. Le champ de bataille d'argousin plane sur moi et sur lui au moment d'un solennel pipi spirituel. Les extases de la vingtième année qui s'appellent galouchuris fournicuteurs sont venues à l'écho de l'homme.
L'homme voit défiler des pâtres pâtissiers qui sifflotent en norvégien, tout blancs tout blanc, blancs tout, dont les tibias frémissants semblent chuchoter: Tu es le meilleur.
Tu montras ma peau à Alcibiade, dit-il, ô Léonie, dans un pas de préternaturel. Nos côtes se sont touchées car je dormais et j'ai parcouru les bouffées de ses yeux fixés sur moi. L'arabe des cimes m'a confirmé dans mon idée. L'horticulture, ô Léonie, ô Alcibiade, a peigné mes hirsutes cheveux et j'ai pressenti sur son sein gauche des lèvres de nègre qui me disent: Ça y est, tu le tiens.
Tenir quoi? Tenir à quoi?
Il est plongé dans l'oster-monde et capte des fractions de rythmes sursautés des monstres poétiques. Les géants de l'hélid-monde couchent avec lui. Les femmes des géants ont consacré leur vie à compter les poils de son sexe. Il sommeille et rumine. C'est dans cette atmosphère qu'il se dit: Je suis un homme digne.
Au lieu de m'épuiser dans des complots certains j'aurais dû parler des crimes du silence. L'homme se voit marchant dans la neige; il songe aux femmes enceintes qui lui sourient dans la pâte de farine. Dis-moi, ô Apollon, suis-je beau? Dis-moi, ô Gulliver, suis-je carnivore? Voilà ce qu'il pense, le catalyptique!

Tandis qu'il s'applique à sculpter des jambes de jeunes filles chaleureuses sur une côtelette d'inspiration, il ne voit pas le train qui passe, il ne voit pas le bou-hou des girls des shorts.

O Cinéid, qui es-tu? Je suis le plus grand. Il se parfume de mots et graisse les roues de son train pour l'oval-monde.
Moi je suis le soldat Claude qui veille sur les porc frais et les rubis.

(Une balle est tirée qui lui entre dans la tête. Un filet de sang coule sur sa tempe.)

C'est moi qui parle maintenant: Dis-moi, ô Apollinaris, suis-je carnivore?

Je sais que j'aime la chair mais suis-je carnivore?

Je veux le savoir parce que j'ai reçu une balle dans ma tête.

Je fais halte un instant dans mon idée: Je suis pollué par le destin, aurait dit cet homme dans le ravin.

Mais non, la fontaine de Zarathlunska voyage dans le crin de mulet; trois petits pops du crin arborigène de Zarathlunska. Sur mon traîneau palgaillard ma cervelle chauffe recouverte d'un diadème de fiel.

Hopus! chef des pompiers, un pouce de meringue a-t-il suffi entre le rouge altide et le bleu d'argandi? Non! Il ne peut plus suffire. Et la morve à vos babines de phoque castre vos chimères austères.

La balle digitale coule dans le royaume d'Urumir sur ma grâce et ma foi, coule en bulles sur mon zèbre, lancinamment on entend mon cri d'agonie, elle est, la balle, un pilon de béton baigné d'orge qui reflète une fauvette mauve.

La malmar d'Ukili roulant l'aube dans son dortoir m'appelle avec la fièvre du désespoir, son hurlement d'appel résonne lugubrement, fait taire les hyènes et glace les alpides, mais une fauvette mauve lui répond, dul-dul, l'ombre auguste du renoncement sublime lèche les murailles d'albâtre. Le reflet de mauve fauvette a déjoué les calculs, la cave conifère mandate les ténèbres et les ténèbres mauves, les deux colibris ont harassé la grève asséchée; femelle aux entrailles moites, la balle digitale a ressuscité les morts, la pluie est mauve, l'aurore est la baïonnette embrasée du soldat Claude.

Crécelles d'ivoire, Apollinaris des Poètes gazouille dans l'air félin. Et moi et mon ami, côte à côte, moi la tête enfornée de feu, nous marchons dans les voiles d'orman.

Ah.
Ah-r-r-r.

(Il saisit sa tête par les cheveux dans sa main droite; il la détache de ses épaules et la tient à bout de bras.)

Tu montreras ma tête à Gauguin, elle en vaut la peine.


Rideau

2 commentaires:

La Rouge a dit…

Bien dommage tout ce silence ici, bien qu'il y a assurément des ailleurs qui parlent.

S-G. BONNOT a dit…

Je suis d'accord avec vous, La Rouge.

Gauvreau m'éclaire.
Il y a des langages avec lesquels on ne discute pas.

Ceci dit, je ne désespère pas que l'auteur du blogue réapparaisse, quelques valises textuelles sous le bras.