vendredi 21 décembre 2007

L'ombre sur le cerceau

(Monologue de l'ombre que fit sur un cerceau un acrobate qui sautait.)

L'ombre:
Entends le moisson du Belval et la fourche thuréfaire qui vient glaner le rangement soigneux des pastiches pupazzi anglioche-glicoche et le Clown Bux éjaculant trapèze et arbalète, et les lèvres du frère et la ride gigogne de la sœur du cerf du frère, devenus papuzzo, devenus avalanche publicitaire, éboulement tacite et aigre et bénal outre acide de lin et crâne d'âme d'huile à mâchement instructif peintureux.

Les glands de joie les cligotements de cloche cri papou et beuzellin et anarchiste à nez plastique aux morves vieillottement et abnégationnement théologiques de l'abreuvoir à tocsin, miroir bleu pâle lisse et cristallin tel la pomme virginale du martyr clerc dans son escalade printanière, buffandasque, héroïquomane et vermeille d'oison pur.

Ta Cléonte breltchère dans sa nuée populiste et bouleversement, ce manteau frénétique volant acariâtre et diaphane, blanc, blanc, blanc, doigt de pieds noirs sur cette euphémie, le croisement des croix fidèles et la toux akchou ékribitchou ploum ploum des cordailles d'amiante créfiche.

Ogo Absalon. Les médailles et les scapulaires disproportionnés entourent et rançonnent cette tache de peau blanche sur le mur du gris pamenver. Les nouveaux croisés arrachent des langues fagottes le nourrissement fielleux, le bavement vinaigreux, des langes pour les estomacs, des acrebondes pour les cartouches d'armures emmurées dans la mi-aurore psychole atteinte cercle du poil viscéral, de l'attouchement micréagondique des Pals d'Elmeuze du Royaume de Ki qui brainent les Ostaches Cumulé et Serval. En avant les lances et les dés de conte, les comtes et les burlurettes, la famille des moyens hésités, des tentatives délaissées, des campatures éborgnées, des règlements ossifiés. Croisade burmane. Os des anthologies sentimentales, des frottements de l'éruption amoureuse. En avant la bagatelle du pompon corderoi chéri du bleu glacial et de la cristallisation des orifices poreuses, de la stylinisation et de la synthétinisation de ces verts mélasseux perpétuellement en mouvement, chaîne et sein de jalousie.

La poupine Zut et le pitre Clément dans le feu de la rampe, l'artifice des pétards, la neige moussue et la palissade de glace des tutus, enclèment et isolent le carburant détonnant pervers bossu. La poupine et la roue de la jupe refouettent la crème à l'espagnol, et le rire orange de ma femme panthéreuse découpé sur son visage de cire orne le derrière monarchiste de l'ébéniste pascal par sa perruque carreautée. Yioupine dentelée, forêt muscapantoule, serre et carbanturier, la brème, fulmine pastorale, enclout et arrose dextrement, humecte et pécorore les acquiescements sorcelleriques, et l'Océan grince des dents sur la plateforme des goûts humains.

Abrdoum Pou King, sincèrement maquelés, les verts-de-gris et les poutres engermeuses inclinent et maculent l'Olme et la Prkadès du siège et du célon des agrables ombezères, royale comédie, famélique burlesquerie, pioune et pitouzerie, qui gardent et qui fignolent les doctes éliteries, qui robent et qui flisquent les trous cumus et beaux des pots et des marmites, des aigles des capitons, les opulentes ruines des corpulentes consignes, et qui soulignent aux jours impériaux le zing et l'écho et le sol madrigal des cercles échevelés qui hachissent l'espace fictionné.


Agroupine. Almée palme, le pinch chapioute, l'alguèz des planches chante à plein verre sous l'envoutement mélodieux du siphon.

Bien-être


(L'intérieur d'une maison à la fois un peu austère et un peu fantastique dans ses proportions. À gauche, presque au centre, une porte close qui donne sur une autre pièce de la maison. Un homme et une femme habillés en mariés entrent. L'homme a des gants noirs.)

L'homme:
Des mains dans l'abîme qui sont des feuilles. C'est un mariage.
La coupe débordante d'amour sur le perron comme des algues.
Un ruisseau de nuages plonge dans les cœurs: martin-pêcheur.
Les guirlandes dans les joues, la paix sculptée dans les profils inquiets de l'existence.
Femme en sucre. Hébreu.
Hébraïque joie dans le convoi de l'orange symbolique.
Les ailes déployées dans les marbres conjugués.
Je vois les sillons, je remarque la plaie des racines. Le poète entré dans nos âmes par la serrure.
Les bourgeons grimacent dans le lac acidulé mais le frémissement de la dent turque surnage dans les catacombes ombrées. Supérieure vie! Délire d'acide! Les cônes parallèles déposés sur le cercle sphérique et la mousse d'écume comme le mercure, l'éponge ambrée.
Désir d'Apollon. Sources spontanées.
Les clefs du bonheur. Les clefs aux bonheurs.
Reflet souriant sur les seins d'acier de ma bien-aimée.
Je sens le repentir crispé de la solitude. Voix claires, soupières aux parfums mauves. Idéal! Idée. Idéal. Pure ardeur.

La femme:
Mon ventre berceau de la vie et l'urne consacrée.
Les sphères affiliées dans le cambrement de l'automne vieillie. La poudre des baisers dans les fossés humides des jardins blancs. Versicolore hystérie.
La sublime fraction des boucles arméniennes dorées.
Entrée et cortilège d'enfants.
Farandole arbitraire dans les sentiers de briques jaunes.

(L'homme et la femme s'assoient sur un sofa en s'embrassant tendrement. Les lumières disparaissent. Seulement réapparaît, après un moment, un filet de lumière blanchâtre qui ne permet pas de distinguer le fond de la scène. Cela peut donner l'impression d'être entre ciel et terre. L'homme, tout vêtu d'un maillot blanc avec ses gants noirs, est debout et à ses pieds est une pelote conique de corde blanche.)

L'homme:
Je rêve.

(Alors on entend un piano qui joue languissamment un thème de cinq notes. L'homme, qui se meut ici avec des gestes saccadés, se penche pour ramasser la pelote de corde mais, à chaque fois qu'il va la saisir, on entend une nouvelle note du thème et la pelote de corde fait un bond hors de sa portée. Cela se produit pour les cinq notes. Ensuite, le filet de lumière blanchâtre disparaît et la scène est dans l'obscurité. On entend les cinq notes du thème encore une fois dans l'obscurité puis l'éclairage redevient normal. L'homme, vêtu normalement, est assis tout seul sur un sofa et il se frotte les yeux avec ses mains gantées.)

L'homme:
J'ai rêvé.

(Les lumières disparaissent. Dans l'obscurité on entend les cinq notes du thème. Les lumières reviennent. L'homme, debout sur une chaise, pose un cadre sur le mur. La femme, en peignoir, est assise sur un sofa.)

L'homme:
Les lumières comme des songes maléfiques. Les dos des ombres à jamais perdus aux cendres de l'humanité.
Je vois les cordes qui encerclent les hommes. Je vois les corps mutiles par le remords.
Je comprends les cordes épinglées dans le souvenir.
Femme aux ongles de chocolat, aux cils d'armistice, tu es à moi.
Je suis le phoque qui a plongé dans les ruisseaux de sirop. Battue imperméable hachée comme des notes de flûte.
Les murs comme des déserts gris nivelant leurs faces longues comme des attentes.
La framboise bien-aimée dans le vallon secret et le silence complice.
Les ailes du papillon mordorées.
Hantise. Amour.
Je me berce dans mes bras et l'harmonie sort de mes oreilles; la dent gâtée dans le spiral.

(Venant de la pièce voisine, on entend le thème de cinq notes joué sur le piano.)

La femme:
Ma sœur. Ma sœur jumelle joue le piano. Elle est là.

L'homme:
Ta sœur jumelle?

La femme:
Les doigts à l'huis des dimensions aspirant des bras blancs qui s'agitent sur un fond noir et qui rivalisent de vitesse.

(Les lumières disparaissent. Dans l'obscurité on entend les cinq notes du thème. Les lumières reviennent. L'homme et la femme, en costume de tennis, s'embrassent debout.)

L'homme:
La paix serpent aux oreilles de soie dans les lessives humides du midi.
J'ai vissé ton corps dans l'espace suspendue entre deux miroirs qui se font face; et ton image grimpe à jamais les échelons de l'infinité des nombres.
Oreille de femme et peau de cochon rose.
Ah! je m'amuse!
La peau de l'homme comme une corne de bœuf dans l'influence des ciels de glace rosaces.
L'automne cuve l'été.
Ce soir je me coucherai sur ton corps dans la rédemption noire qui glisse des pierres pourtant rêvées.

(De la pièce voisine on entend le thème de cinq notes joué sur le piano.)

(L'homme écoute en rêvant.)

La femme:
Habillés en blanc dans les passerelles hésitantes nous sommes les bulles de savon.
Des gorges de folie dans des bassins remplis de transpiration.
Holà! Pitres de mendicité, époumonez-vous dans les soutanes centenaires!
Égrenez les grains faites uriner les sculptures! À mort, tapisserie! J'ai mon homme.
Les sirotants susurrements dans les herbages aériens.
Finie la classe! Cloués, les plastrons!

L'homme:
Je le crois.

(Les lumières disparaissent. Dans l'obscurité on entend les cinq notes du thème. Le thème se prolonge et on l'entend toujours tandis que les lumières reviennent. L'homme, en habit ordinaire, avec ses gants noirs, se tient près de la porte, l'air songeur. Le thème est toujours entendu. L'homme s'approche de la porte, il se penche et regarde par le trou de la serrure. Mais il recule aussitôt en portant ses deux mains à son œil.)

L'homme:
La douleur dans mon œil!
Rien! Il n'y a rien à voir! Des pics moussus de vapeurs vertes plus épaisses que des peaux d'ours!
Mon œil bas. Mon œil amoindri. Mon œil blessé. La douleur dans mon œil. Lumière qui rend aveugle!

(Les lumières disparaissent. Dans l'obscurité on entend les cinq notes du thème. Les lumières reviennent. L'homme et la femme, en habits ordinaires, sont debout l'un devant l'autre. L'homme a un journal dans la main droite.)

L'homme:
Les capitaineries capitonnées se sont avilies absurdement.
Soyons sérieux.
Si je trouvais un jonc avec sa racine dans une armoire de nickel, je courrais me laver et j'écouterais, anxieux.
Le défilé lancinant dans une capitale olive qui est de prunes.
Parlons-en!
Des Judas viennent gratter le sol de nos pelouses, la verge à l'air. Absurdité plus vraie que les monts barbus.
Enflure critique. J'en discute canoniquement. Voix de pépites brassées dans les mains russes bûcheronnes.
Vous avez vos dames, tout va bien, n'allez pas à la pêche au croissant de lune.
La mort des captifs dans les marres de jus de tomate. Perplexe.
Ainsi donc les cancers progressent comme des huitres sur la paroi d'un bocal.
Jus de palissade. Effort hernie achèvement.
Nous ne sommes pas de ceux qui peinent dans les éclairs de boue.
Parasol contre les insinuations métisses.
Inconduite serbe et remontrance médiévale. Pensons aux enfants couverts de vignes vertes.
Le jour se baigne dans les ténèbres couchées par la faux.
Superbe panoplie.

(On entend les quatre premières notes du thème, venant de la pièce voisine. L'homme écoute. La cinquième note ne vient pas. L'homme pétrifié dans l'attente de la cinquième note est insensible comme une statue de plomb. Rien ne se passe. La femme chancelle plusieurs fois et puis, comme à la fin, elle s'affaisse en tournant sur elle-même comme dans un remous. L'homme ne bronche pas. Après on entend la cinquième note très faible. Alors l'homme se précipite sur la femme, il se penche sur elle.)

L'homme:
Elle est morte.

(Il se redresse mécaniquement et se tourne vers la porte qu'il fixe d'un regard songeur. Il atttend, il ne bouge pas. Puis il enlève ses gants noirs et il marche vers la porte. Il s'arrête, puis il ouvre la porte. Il ne sort de la pièce qu'une épaisse lumière verte, pâteuse, inépuisable. On sent qu'il n'y a que cette lumière dans la pièce voisine et qu'elle couvre tout. La lumière verte frappe le visage de l'homme qui recule brusquement en portant ses mains à ses yeux.)

L'homme:
Ah! mes yeux! Elle ronge mes yeux!

(Il se ressaisit et brusquement il entre dans la pièce. On ne le voit plus. Après un moment, il revient, les paupières crispées de douleur. Il a remis les gants noirs. La porte se referme.)

L'homme:
Elle est morte à côté de son piano.
Je vois les caveaux sans fenêtre dans la lumière du soleil.
La saoulerie enivre et tombe comme des feuilles malades.
Rien. Rien. Le désert. Le signe dans les pesanteurs immondes.
Enfin l'âme a tu son aube.
Les serpents noirs filent dans les foins poussiéreux.
Adamique trahison. Les morts dans les sangs des bœufs.
Ardoise rougie. Peuplier sans tête.
Les mimes s'enflamment.
Retranchement. Gueule lépreuse plus émue que les contritions acides. Barrière. Foulard des veines innées.
Les fox-terriers plongés dans les contrats de mariage orthodoxes.
Botte de cosaque dans les plaines dévastées. Conclusion. Initiation.
Je vois les caveaux les caveaux les caveaux.

(Alors on entend les cinq notes du thème venant de la pièce voisine. L'homme se retourne vers la porte et il la fixe, immobile, avec perplexité et effroi. Les lumières baissent et s'éteignent. Dans l'obscurité on entend les cinq notes du thème qui se poursuit pendant que la lumière revient, et qui continue une fois la lumière redevenue normale. L'homme est toujours dans la même position avec la même expression mais il a des rides au front et des cheveux gris aux tempes. La femme n'est plus là. Enfin, le thème cesse.)

L'homme:
Les tartes fumantes. Je bous plus que l'intelligence d'un calamiteux.
Je vis l'univers des paliers sans escaliers.
Les fabricants de parapluies pour moutons me rient à la face car nous sommes des frères. Nous sommes de la même peste.

(On entend les cinq notes du thème. L'homme ouvre la porte d'un coup sec. Instinctivement l'homme porte ses mains à ses yeux mais il se dompte et il se force à regarder dans la lumière verte.)

L'homme:
Il n'y a personne.

(La porte se referme. On entend de nouveau le thème répété plusieurs fois. L'homme s'approche de la porte sans faire de bruit, il se penche furtivement et il regarde par le trou de la serrure.)

L'homme:
Il n'y a personne. Il n'y a personne.
Et j'ai mal aux yeux.
Ah! les fientes assorties qui végètent dans vos patiences!
L'homme mûr est flexible comme un roseau.

(La partie soulignée est chantée sur les cinq notes du thème sans accompagnement.)

Je vois les caveaux les caveaux, les caveaux.
Patrie aux cent visages découpés en abscisse. Qui lira le fond des vérités de bon sens?

(On entend le thème.)

Des triques aux mains. Paysans vergogneux. Atlas haletant. Des démarches minuscules. C'est l'exégèse du printemps.
Combien de vents?
Pères! Les clans de saxophone dans les villages.
Réquisiteur des morts maladroites.
Je veux baiser les jambes des demoiselles.
Ah!
Mes mains! Mes mains! Ce sont mes mains! Mes mains qui jouent!

(Avec ses gants il enlève ses gants noirs. En dessous des gants il n'y a plus de mains, les manchettes sont vides. L'homme regarde ses manchettes de près car ses yeux sont malades. Il laisse tomber les gants par terre. D'un coup de pied il ouvre la porte.)

L'homme:
Tout superflu! Mes mains! Sur le piano mes mains! Ce sont mes mains qui jouent! Je vois mes mains qui jouent sur le piano!

(Il est entré complètement dans la pièce. On ne le voit plus. Soudain on l'entend pousser des hurlements. Enfin il reparaît. La porte se referme.)

L'homme:
Je suis aveugle.
Les gares dans le lointain, les gares à jamais dans le lointain.

(On frappe à une autre porte. Deux hommes du peuple vêtus chacun d'une salopette entrent.)

Le premier homme du peuple:
Nous sommes les déménageurs.

L'homme:
Ah!

Le deuxième homme du peuple:
Nous venons déménager le piano.

L'homme:
(comme dans un rêve) Ah! Un moment.

(Il ramasse les gants avec ses dents et il entre dans la pièce. Il en ressort sans ses gants. Les déménageurs, sans hésitation, entrent dans la pièce voisine et ils en ressortent avec le piano. La porte se referme. Sur le piano sont les deux mains gantées. Les déménageurs disparaissent avec le piano.)

L'homme:
Papillon, lève-toi.
Les soupapes cristallisées dans les mers d'iode.
Les Germains aux cannes osseuses marchent au milieu des allées tièdes, ce sont des caravanes de chameaux dans le Sahara.
Bosselées dans les feuilles trop lentes pour la vie comme la Mer Morte.
Qui marche comme des marionnettes dans l'automne crue comme le soleil dans les siècles révolus.
Poudres explosives sous les plantes de pieds centenaires.
La nage pâlement tortillante dans les brouillards de l'automne.
Les maux comme des grains d'un chapelet.
Mort lente courbée lentement comme la tête de statue par le temps.
J'avais dix pistoles. Dans la flamme autoritaire des soleils blancs.
Le jaune est tombé dans les forêts nostalgiques des matins.
Nostalgie dans les ventres boutonnés, sous les chaînes d'or d'amandes.
Les chevaliers d'Auvergne me tiennent compagnie dans le printemps soumis.
Hantise caressante. Chaîne de quai lugubre dans les sourires plus vivaces.
Les leçons de tendresse dans le soir blond.
Les mécaniques argentées s'engloutissent dans les étapes surnaturelles.
Les anciens frères coulent coulent.
Adamique soie. J'ai besoin de tendresse dans les palmes de mon inquiétude.
Inquiète bénédiction qui te soumet dans les bordées de nuages craintifs et téméraires.
Courbez vos toupets, sincères, dans les câlines rustreries. Industrieuses fissures dans les temps de vies humaines, c'est le canal avec des barques noires qui s'oublient elles-mêmes dans leurs chimères.
Nous sommes las. Nos jambes saignent. Nos fois suppurent.
C'est le chef algonquin qui n'oublie les rivages de crêmeux sables.
Des chiens tapageurs ornent nos solitaires pensées. Le voile des nonnes s'égare dans nos poitrails majestueux. Triste Frédéric dans les huiles spirituelles. Ce sont les défections des oncles qui meurent squelettes dans les mirages des cygnes.
Douceur pavoisée. Ennui anormal dans les peines humaines! Ô les berceuses réflexions.
C'est un homme qui déambule dans la maison seule.
J'ai peur dans les douceurs inhumaines.
Ô fiscal tourment. Les brutaux dévergondages s'offrent masqués dans les pays d'ailes noires.
Je suis une génération de jeunesse vieille. Vos passeports ont été payés cher, infiniment cher.
Vous êtes les jeunes qui ont rêvé de cheminées au métal aveuglant.
Nous partons dans les épines de flammèches.
Souriant espoir qui tombe dans les ongles de pieds coupants.
Ah! les brumeux cousinages.
Je fais des signes de bras à l'avenir hautain comme un matelot couvert de chancres d'ennui.

(C'est alors que de la pièce voisine on entend les cinq notes du thème jouées sur le piano. L'homme tressaille. Il se retourne vers la porte pesamment presque avec désespoir. Il la regarde. Et puis, à pas mesurés, il se referme derrière lui. Silence. On entend comme des bruits de chaises qu'on change de place, comme des coups de marteaux sur le mur, comme le chahut d'un homme en colère, un désordre confus. Et puis, on entend les cinq notes du thème sur un bruit de piano très clair. Et puis le thème est joué sur des notes plus basses. Et puis tout se précipite. On entend un orchestre qui joue le thème, qui le joue de plus en plus fort. Le thème de cinq notes est joué par l'orchestre dans une montée qui s'amplifie indéfiniment.)


Rideau

samedi 15 décembre 2007

Au cœur des quenouilles

(Un ruisseau sauvage et tortueux comme on en voit qui s'avance dans les terres. Le feuillage est touffu et compact. Il y a un grand nombre de quenouilles. Un homme dans une barque avance dans le ruisseau. Au milieu du ruisseau, tout-à-fait à gauche, est un ange avec une épée. Il est tout comme une statue d'argent. Il est dans l'attitude de quelqu'un qui garde le passage.)

L'homme:
Les satrapes me poursuivent comme un jaune dans une rigole abrupte.
Dans une corne de bélier.
Le sang me bouscule dans le temps oublié une pleine galoche de sang.
La rivière naine comme un corps de nouille et les quenouilles. Je suis poursuivi, je suis un homme poursuivi, poursuivi un homme, un poursuivi, poursuite poursuivie, un homme poursuivi.
Je cours, couleur rouge, loin des bras qui me cherchent, qui m'attendent.
Les bras qui me veulent.
Rigoles de sang sur les tempes, chair de femme dépecée, chair d'homme flétrie.
Je suis un criminel imminent.
Mon corps flotte dans l'eau, dans l'eau de la barque, dans la barque à l'eau.
Qui m'arrêtera danseur de danse nègre? Ma substance s'allonge, je m'étends au loin, plus loin que le loin, je vais rejoindre le bout de l'infini, cordon infini ou bras rouge, j'imite la couleur rouge d'une toile qui se dissipe dans les barres comme d'arc-en-ciel infinies, avant de finir de naître. Avant de naître je m'étends dans l'infini.
J'échappe à ceux qui me poursuivent, j'effectue mon évasion.
J'ai des têtes imaginaires pendues à mes petits doigts. Je respire ensanglanté. Les têtes sont couvertes de sang.
Je suis un homme couché sur un lit fait de pamplemousses accumulés, j'ai choisi de coucher dans le jaune, mon esprit dans le jaune toujours, mon esprit est couché dans le jaune et mon corps est dans la chaloupe.
Mon enfance, mon enfance triée.
Je suis couché sur un fil barbelé et ma poitrine saigne. Non, ce n'est pas moi, c'est ma victime.
J'ai juré de dégoûter les anges.
J'ai écœuré les femmes avec mon enfance.
J'ai trompé les femmes avec les bosses de mon front carré qu'elles prenaient pour des diamants. Je les ai induites en erreur.
J'ai fait couler le sang, le sang s'est mêlé à mes mains, je suis un poursuivi.
Serein j'échappe. Serein j'oublie dans les quenouilles.
Il y aura moyen de passer, il y aura moyen de s'évader. Je suis une lignée saoule d'évasion.
Je suis l'homme aux mains liées qui a tué les masques de mardi-gras.
J'ai tué l'ours.
Je suis un innocent, un homme rose, je suis une fleur perlée par la rosée et le scintillement est un crime.
Comme des jambons qui pendent, comme des jambons qui pendent dans un étal de boucher dans mon cerveau.
Le bœuf pelé.
Je suis simple, je ne puis pas être compliqué aujourd'hui.
Il m'arrête il veut m'arrêter.
Je suis évadé. Je suis embaumé dans le galop strident évadé.
Évasion. Évasion. Clef.
Clef jonglée, clef tarabustée, clef, rousse clef.
Môme rousse à la crinière rousse sur le ventre. Trop écartées tes jambes. Trop. Trop de souvenirs. Je suis houle, cahoté par les souvenirs.
Il garde l'entrée pour les forts. Je suis un fou assimilé aux forts. Je suis un fou qui a tué, je suis un fou qui s'évade.
Plaisir à voir les femmes nues. À voir les femmes gênées nues. Les filles pauvres prostituées par la misère. Les femmes embarrassées par leur nudité. Les femmes exploitées et rouge de honte. Les femmes naïves et couvertes de sang mâle.
Cela est le passé et je suis né pour l'évasion. Je suis prédestiné pour l'évasion, mon destin est livré à l'évasion, je suis né pour l'évasion. L'évasion m'a fait naître.
Je passerai, je suis un criminel poursuivi.
Ci-gît boucher de chair humaine.
Je passerai comme si j'avais une chevelure échevelée.
Envoûtement de la paix des promeneurs sur l'eau.
Mes mains sur la toile cirée bleue, seulement que ce paysage mémorable, tout le reste est mort, ma main, mes ongles et le reflet et la sensation.
Les reflets bleus pour les esprits préoccupés. Revanche de ces choses refoulées.
Une moitié d'orange et les hommes sont obsédés pour la vie.


(Une tête d'homme, rosâtre, apparaît à la surface de l'eau. Elle est découpée comme une carte géographique, comme une vieille pomme desséchée, par des lignes rouges.)

La tête:
Homme évadé, tu n'es pas seul.
Tu n'es pas le premier venu plus loin qu'il ne fallait.
Tu n'es pas le premier venu au bordel des songes.
Les évadés sont morts plus loin qu'il ne fallait. Les évadés n'ont pas passé. Les évadés ont vu l'entrée gardée.
Je t'aime de tout mon cœur, je t'aime ardemment, j'ai vécu ta joie, j'ai vécu ton tourment.
Les hommes évadés sont morts, ils sont morts dans le fond du ruisseau, ils sont tous dans la vase. Les hommes évadés ne sont pas passés, ils ont trouvé l'entrée gardée. Ils ont moisi dans le fond du ruisseau l'un après l'autre et j'ai moisi.

L'homme:
Pourquoi n'ont-ils pas passé?

La tête:
Ils ont trouvé l'entrée gardée.
Homme évadé, tu vas moisir dans le ruisseau.
Les ventres où sont tatouées des portes de prison te cherchent. Les femmes orgueilleuses de leur toison soyeuse dans des vêtements impudiques te cherchent en faisant clinquer leurs boucles d'oreilles excentriques. Tes ennemis te cherchent dans des brumes lointaines la morve aux lèvres. Mais tu es ici.
Des briques éternelles me sautent dans la cervelle. Des lames de passé m'alimentent.
Feu d'artifice gras. Graisse des cieux. Cuisses brunes polies.
Gendarmes aux têtes de bois.
Les hommes devenus liquides par le désir qui coulent vers le paradis terrestre.
Vers la grille, vers le passage barricadé.
Des aigris errants nous cherchent et ne nous trouvent pas. Ils sont restés les pieds joints sur leur tête d'épingle.
Les aigles, les poignées de fesses.
Les couleurs possibles d'un corps. Toutes les couleurs possibles d'un corps.
Saveur d'ananas. Pose gymnastique¸ à la conclusion de la jouissance.
Paresse très brève.
Je revois mes bras enfiévrés par un désir trop incontrôlable. Je me vois esclave de ma vision laiteuse.
Un homme aux bras d'araignée et inlassablement agités. Une soucoupe où sont réunis tous les jus rejetés de l'univers.
Les voiles fendent le flot bleu comme du froid.
Rémission de haine. Les dos clairs sonnent les airs de clairon lumineux.
Les quenouilles encerclent, encerclent le cercle, cerclent. Les quenouilles brunes aux seuils des vases prohibés.
Tu vas moisir.
L'entrée est gardée.
Le lit est couvert de morts munis de mémoire qui revient des cheveux jaunes éclatants. Des filets jaunes qui ressemblent à de l'eau mais qui ne sont pas de l'eau.
Mugissement violet rongé.
Je t'aime, je t'aime, je t'aime.

L'homme:
Je vais passer.

La tête:
Tu ne passeras pas. Aucun n'a passé.

L'homme:
Je suis un criminel poursuivi, je suis un fou qui ricane, je vois les maillots roses que j'ai vus dans les nuages. Je vois ce que j'ai vu et j'avance comme une colonne de plâtre qui ne s'apprivoise pas, j'avance comme une ombre de main sur un mur blanc. Je vois les jambes écartelées qui livrent jour au corps nu. Les taillades de ma respiration.

(Il s'avance et passe à travers l'ange comme si l'ange était une ombre. La barque continue son chemin.)

La tête:
Il est passé. Il est passé. Il pouvait passer. Rien ne l'empêchait de passer.
J'ai mordu dans des morceaux de bas de laine, mais je n'ai jamais osé passer.
Aucun n'a osé passer, car l'entrée était gardée.
Obsédé par une tranche de melon de miel et je n'ai pas osé passer.
Un croissant de melon dans mon esprit et j'ai moisi dans le ruisseau.
Et je suis dans le ruisseau, moisi.
Nous ne savions pas que nous pouvions passer.
Baiser. Baiser sur les lèvres roses de l'évasion.
L'entrée était gardée.

(La tête, convulsée par le regret et le désespoir, s'enfonce dans le ruisseau.)


Rideau